L’article 6 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République crée l’article 223-1-1 du code pénal, réprimant « [l]e fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer ».
La loi pénale française introduit ainsi le délit de « doxxing » (ou « doxing ») en droit français, à la suite de l’assassinat de Samuel Paty en Octobre 2020, dont l’identité et le lieu de travail avaient été divulguées sur les réseaux sociaux.
L’étude d’impact du projet de loi avait noté que l’article 223-1 du code pénal qui incrimine la mise en danger de la vie d’autrui, définie comme le fait « d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement », ne peut être invoqué pour réprimer le doxing.
De même, l’article 226-22 du code pénal, qui réprime la divulgation de données à caractère personnel ayant porté atteinte à la considération de l’intéressé ou à l’intimité de sa vie privée, punie de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, ne réprime pas les atteintes à l’intégrité physique.
L’auteur des faits doit savoir que dévoiler ces informations met directement la victime ou ses biens en danger. Le Conseil d’État avait noté dans son Avis sur le projet de loi que « le délit ne sera (…) caractérisé que s’il peut être établi une intention manifeste et caractérisée de l’auteur des faits de porter gravement atteinte à la personne dont les éléments d’identification sont révélés ».
Le Conseil d’État avait également noté que :
« la caractérisation de l’infraction impose la démonstration d’une intention particulière de nuire qui permet de ne réprimer que les comportements commis dans le but de porter atteinte à une personne ou à sa famille, elle n’a pas pour objet et ne peut avoir pour effet de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, de messages, de données, de sons ou d’images qui ont pour but d’informer le public alors même que ces informations pourraient ensuite être reprises et retransmises par des tiers dans le but de nuire à la personne qu’elles permettent d’identifier ou de localiser ».
La liberté de l’information pourra être invoquée en défense. Toutefois, l’article 223-1-1 du code pénal prévoit que « [l]orsque les faits sont commis par voie de presse écrite ou audiovisuelle ou de communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables », rappelant que la liberté d’expression est encadrée par la loi, en particulier la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Le Ministère Public devra prouver l’élément moral de l’infraction, et cela pourrait s’avérer difficile, ou peut-être, plus tristement, facile. En effet, il est désormais possible d’argumenter que divulguer l’identité ou l’adresse d’une personne dont l’opinion enflamme une partie de la population entraîne nécessairement la connaissance du risque d’atteinte à la personne ou à ses biens.
Les controverses ne manquent pas et certains sujets, comme la nécessité des vaccins pour lutter contre la COVID-19, les caricatures du Prophète Mahomet, comme dans le cas de Samuel Paty, ou même les élections, du moins, aux États-Unis, entraînent de plus en plus fréquemment des réactions violentes.
Ce nouveau délit est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La peine peut être portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende si la victime est mineure, ou bien« dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou titulaire d’un mandat électif public ou d’un journaliste, au sens du deuxième alinéa de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse », ou encore si la victime est particulièrement vulnérable, en raison de son âge, d’une maladie, une infirmité, une déficience physique ou psychique, ou bien si la victime est enceinte.
Il faut toutefois que cette particulière vulnérabilité soit connue de l’auteur des faits., ce qui pourra parfois être délicat à prouver, si l’informité ou la déficience physique ou moral n’est ni connue en raison des liens de l’auteur et de la victime, ni apparente.
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