Le ministre de la culture et de la communication, dans une question écrite au député Jean-Claude Bouchet, a indiqué le 30 juillet 2013 que créer un registre de métadonnées pourrait permettre « d’identifier les photographies et leurs auteurs et de connaître les conditions d’utilisations autorisées » (J.O. 30 juillet 2013 p.8190).
M. Jean-Claude Bouchet avait demandé au ministre de la culture et de la communication d’émettre un avis sur une des propositions du rapport Lescure sur la politique culturelle à l’ère des contenus numériques, remis le 13 mai 2013 au Président de la République. Ce rapport préconise de mettre en mise en place un code de bonne conduite pour encadrer l’utilisation des banques d’images et l’utilisation de la mention DR (droits réservés).
Le développement de la photographie numérique
La photographie, et surtout la photographie de presse, est désormais numérique. Cela avait permis aux photographies des défilés de mode prises illégalement en France d’être publiées presque instantanément aux États-Unis. Mais cela permet également aux amateurs de se découvrir un public et même de s’improviser photo journaliste. Le site Citizenside se décrit ainsi comme “la première communauté photo/vidéo de témoins d’actualité ». Les amateurs peuvent y publier leurs photographies d’actualité et le site est l’intermédiaire entre les photographes et les médias du monde entier via la banque d’images ImageForum de l’Agence France-Presse, un partenaire minoritaire du site. Il ne s’agit sans doute pas là d’une singularité mais d’une tendance appelée à perdurer.
Amateurs et Professionnels
Tout ceci entraine un changement profond du marché de la photographie pour les professionnels puisque les amateurs et les semi professionnels deviennent leurs concurrents directs en utilisant les plateformes d’échanges ou les banques d’images numériques, également appelées microstocks. Devant l’abondance d’images, le prix des photographies s’écroule et les professionnels peinent à vivre de leur travail. Certains ne peuvent même plus obtenir de carte de presse, faute de revenus suffisants. En effet, selon l’article L7111-3 du Code du travail, il faut tirer « le principal de ses ressources » de l’exercice de sa profession dans une entreprise ou une agence de presse pour être considéré journaliste professionnel.
Le rapport Lescure note d’ailleurs dans sa fiche B-5 consacrée aux droits des photographes à l’ère numérique que « [l]a photographie professionnelle est sans doute le secteur de la création culturelle pour lequel le choc numérique a été le plus violent ». Les trois problèmes principaux identifiés pour ce secteur par le rapport Lescure sont le développement de banques d’images à prix cassés, les sites de référencement et l’utilisation abusive de la mention DR (droits réservés).
L’une de ces banques d’images est le site Fotolia qui propose au téléchargement pour une somme modique des photographies ‘libres de droit’ qui peuvent ensuite être utilisées sans restriction. Or, selon l’article L. 131-3 du CPI, le domaine d’exploitation des droits cédés par l’auteur doit être « délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ». De plus, il semble que la mention DR, à l’origine utilisée pour désigner les œuvres « orphelines », c’est-à-dire des œuvres dont on ne connaît pas l’auteur, remplace parfois sur certains sites le nom de l’auteur de la photographie. Ceci constitue une atteinte au droit au respect du nom de l’auteur, qui est un droit moral inaliénable et imprescriptible selon l’article L. 121-1 du CPI.
Le rapport Lescure propose de mettre en place un code de bonne conduite qui encadrerait le recours à la mention DR par les banques d’images. Il note d’ailleurs que la mention « libres de droit » de Fotolia « n’existe pas en droit » car « l’auteur (…) ne peut renoncer intégralement à la protection qui lui est accordée par la loi » (p. 257).
Encore faut-il que le droit d’auteur français s’applique puisque le site Fotolia est une entreprise de droit américain, et le droit des États-Unis autorise les auteurs à céder complètement leurs droits puisque le droit moral a un champ d’application très limité.
Les tribunaux français n’ont pas encore eu à se prononcer sur la nature juridique des microstocks au regard de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Exercent-ils un contrôle sur le contenu de leur site, ou bien se contentent-ils de référencer les œuvres ?
Il s’agit là d’un point important, car les sites de référencement, tels Google, bénéficient du régime spécial de responsabilité de l’article 6-I-2 de la LCEN, qui les considère comme des hébergeurs. Puisqu’ils n’exercent pas de contrôle a priori des contenus hébergés, ils ne sont pas considérés comme des éditeurs et par conséquent ne voient leur responsabilité engagée que s’ils manquent de retirer «promptement » les contenus illicites après avoir été informés de leur illicéité.
Mais ce système protecteur des droits d’auteur n’est efficace que si les photographes ont à leur disposition des moyens techniques efficaces afin de dépister leurs œuvres illégalement publiées sur le web. C’est pourquoi la création d’un registre de métadonnées serait la bienvenue pour les photographes, ainsi que pour les utilisateurs soucieux de ne pas utiliser des images sans le consentement des auteurs.