Le magazine OOPS avait publié en mai 2015 un reportage sur la prétendue relation amoureuse entre l’acteur Leonardo di Caprio et la chanteuse Rihanna, qui selon l’article, serait enceinte, au grand dam de l’acteur. Cette information était présentée sur la couverture du magazine comme un « SCOOP OOPS ! » avec un photomontage des deux célébrités côte à côte. La couverture avait été reproduite sur les affiches publicitaires du magazine, paru durant le Festival de Cannes, auquel Leonardo di Caprio s’était rendu.
L’acteur assigna OOPS en référé d’heure à heure devant le Tribunal de Grande Instance de Paris (TGI), arguant d’une atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image, tous deux protégés par l’article 9 du Code civil. Selon l’acteur, cette publication avait un caractère « intrusif et racoleur » et le présentait en outre sous un jour très peu flatteur, fuyant ses prétendues responsabilités paternelles (« le bébé il n’en veut pas ! »).
Le droit Français protège le droit à la vie privée des célébrités
L’affaire fût mise en délibéré et le Tribunal de Grande Instance décida le 27 juillet 2015 que l’acteur avait bien subi un préjudice en raison de la publication du magazine. Il condamna OOPS à payer à l’acteur une provision de 8000 euros à valoir sur la réparation du préjudice moral résultant de l’atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image, et ordonna en outre à OOPS de publier un communiqué en couverture du premier numéro à paraître après la publication de l’ordonnance de référé informant le public de sa condamnation.
OOPS avait argué que la « star mondialement connue » ne pouvait arguer de la violation de sa vie privée, puisqu’il « « expos[e] régulièrement ses liaisons », que « sa relation avec Rihanna (…) [est] notoire » et que les photographies de la couverture et celles illustrant l’article sont « parfaitement anodines (…) [et] ont été prises soit dans un cadre officiel (…) soit dans la rue ou un lieu public ».
Le TGI rappela tout d’abord que l’article 9 du Code civil, ainsi que l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) protègent la vie privée, que « toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse » et qu’elle dispose en outre d’un droit sur son image.
Dans une affaire plus récente, le magazine Closer avait publié des photos de deux acteurs dévoilant leur relation amoureuse et fut poursuivi en justice pour atteinte à la vie privée et au droit à l’image. En défense, Closer avait argumenté « que sans invoquer la complaisance de l’intéressé, M.X. évoque régulièrement sa vie sentimentale certes en des termes convenus mais qui ne manquent pas de susciter la curiosité ». Cet argument ne convainquit pas le Tribunal de Grande Instance de Nanterre qui, dans une ordonnance de référé du 4 juin 2015, condamna Closer à payer à l’acteur 10.000 euros à titre provisionnel au motif, notamment, de l’article 9 du Code civil qui « garantit à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, le respect de sa vie privée et e son image ». Le Tribunal releva que si l’acteur « a pu accepter à l’occasion d’entretiens pour des magazines de révéler quelques éléments d’information sur sa vie privée (…) le tout dans des termes convenus et généraux, il n’est pas avéré (…) qu’il est ainsi entendu entretenir la curiosité du public sur ces éléments de sa vie privée.
Le droit français protège bien la vie privée et le droit à l’image des célébrités, à condition, toutefois, que celles-ci n’aient pas elles-mêmes fait de leur vie privée une information publique, ce qui sera apprécié souverainement par le juge.
Equilibrer le droit à la vie privée et le droit du public à être informé
Dans l’affaire Leonardo di Caprio, le TGI de Paris rappela que le droit à la vie privée et le droit à l’image « doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression et peuvent céder devant la liberté d’informer, par le texte et la représentation iconographique, sur tout sujet susceptible d’entrer dans le champ de l’intérêt légitime du public, sous réserve du respect de la dignité de la personne humaine ».
Selon le TGI, « la diffusion d’informations anodines ou déjà notoirement connues du public n’est pas constitutive d’une atteinte au respect de la vie privée ». Le TGI distingua deux informations, la prétendue liaison entre les deux célébrités et la prétendue grossesse de Rihanna. Si la première information avait bien été discutée par les médias, la seconde, présentée comme un scoop par OOPS, était en fait inexacte. C’est pourquoi il y avait bien une atteinte à la vie privée, car le magazine avait présenté cette grossesse et la paternité de Leonardo di Caprio comme un fait avéré. Pour le TGI, en raison du « caractère particulièrement intime d’une telle révélation [et] de l’absence de tout élément de nature à accréditer, ne serait-ce que de manière infinitésimale, l’exactitude des faits allégués, l’atteinte au respect de la vie privée est, en l’espèce, parfaitement caractérisée, l’information querellée ne relevant en rien d’une légitime information du public ».
Pas de droit à être informé si l’information porte atteinte à la dignité humaine
Le TGI de Paris avait rappelé que le droit français ne protège pas le droit du public à être informe, si cette information porte atteinte à la dignité de la personne humaine.
Un arrêt de la Cour de Cassation du 16 mai 2006 avait cassé un arrêt de la Cour de Versailles qui avait jugé que la publication de photos d’un célèbre acteur français, couché sur un brancard alors qu’il était évacué par hélicoptère suite à un accident de santé, avait porté atteinte à son droit à l’image parce que « ces clichés, pris au téléobjectif sur l’aire de l’aéroport et à l’insu de l’intéressé, [n’étaient pas] nécessaires à l’illustration d’un article lui-même attentatoire à la vie privée ». Mais pour la Cour de cassation , la Cour d’appel avait violé l’article 9 du Code civil et l’article 8 de la CEDH « en s’abstenant de retenir que les deux photographies litigieuses, en relation directe avec l’article qu’elles illustraient, et prises dans un lieu public, ne caractérisaient aucune atteinte à la dignité de la personne de l’intéressé » alors même qu’elle « avait exactement jugé que l’accident survenu au célèbre comédien constituait en l’espèce un événement d’actualité dont la presse pouvait légitimement rendre compte ». Sur renvoi, la Cour d’appel de Versailles jugea le 14 mars 2007 que les photographies portaient bien atteinte à la dignité de l’acteur « qui [avait] toujours cherché à entretenir l’image d’un sportif en pleine forme physique ».